Il y avait une fête, le 23 octobre. (Déjà lycéenne, j’avais toujours horreur de ces fêtes scolaires! Enfiler notre uniforme difforme et laid, être debout pendant des heures dans une salle malodorante ou dans une cour sous le soleil – quelle torture!) Mais celle-ci était à mon goût: j’en ai préféré les préparatifs fièvreux avec vous, surtout avec les élèves de la 12. F, mais aussi avec d’autres – 5-7 de chaque classe de la section bilingue - qui ont contribué á ces moments commémoratifs. On a travaillé ENSEMBLE, tous les profs et une cinquantaine d’élèves de la section.
Faute de temps, la chanson de Jean Ferrat avec ses belles paroles n’a pas trouvé sa place dans le programme, pourtant la traduction soigneusement préparée par Kardos Detti et Mme Pernecker aurait préparé son chemin vers le public de lycéens hongrois.
La voilà, lisez-la, chantez-la, aimez-la – et n’oubliez jamais que rien n’est aussi important que la liberté de la pensée, la générosité de la compréhension.
Jean Ferrat
LE BILAN
Ah ils nous en ont fait avaler des couleuvres
De Prague à Budapest de Sofia à Moscou
Les staliniens zélés qui mettaient tout en oeuvre
Pour vous faire signer les aveux les plus fous
Vous aviez combattu partout la bête immonde
Des brigades d'Espagne à celles des maquis
Votre jeunesse était l'histoire de ce monde
Vous aviez nom Kostov ou London ou Slansky
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd'hui
Ah ils nous en ont fait applaudir des injures
Des complots déjoués des dénonciations
Des traîtres démasqués des procès sans bavures
Des bagnes mérités des justes pendaisons
Ah comme on y a cru aux déviationnistes
Aux savants décadents aux écrivains espions
Aux sionistes bourgeois aux renégats titistes
Aux calmniateurs de la révolution
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd'hui
Ah ils nous en ont fait approuver des massacres
Que certains continuent d'appeler des erreurs
Une erreur c'est facile comme un et deux font quatre
Pour barrer d'un seul trait des années de terreur
Ce socialisme était une caricature
Si les temps on changé des ombres sont restées
J'en garde au fond du coeur la sombre meurtrissure
Dans ma bouche à jamais le soif de vérité
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd'hui
Mais quand j'entends parler de "bilan" positif
Je ne peux m'empêcher de penser à quel prix
Et ces millions de morts qui forment le passif
C'est à eux qu'il faudrait demander leur avis
N'exigez pas de moi une âme de comptable
Pour chanter au présent ce siècle tragédie
Les acquis proposés comme dessous de table
Les cadavres passés en pertes et profits
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattre
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